mardi 21 mai 2013

Quand les oiseaux marcheront sur l'eau


Quand les oiseaux marcheront sur l'eau

--------------------------------------------------------------------------------------
A la mémoire d'Elisabeth Terroy (1953-2008)
--------------------------------------------------------------------------------------
L'été se termine. Je regarde par la fenêtre ce lac ceinturé par une forêt de sapins. Tout est calme. Aucun vent ne vient troubler la surface de l'eau. Les barques sont amarrées au quai et déjà prêtes à de nouvelles sorties pour le printemps prochain. Quelques marcheurs se promènent sur les berges profitant de la sérénité du lieu. Au loin, les montagnes se drapent d'un voile orangé à mesure que le soleil glisse sous l'horizon. Je vais laisser pour un temps cette région et y reviendrais me ressourcer quand les oiseaux marcheront sur l'eau du lac que l'hiver aura recouvert d'une épaisse chape de glace. Je ferme les volets de la maison puis me dirige dehors. Elisabeth a pris soin de fermer le portail.
Les arbres du jardin qui entourent la maison sont encore en feuilles. C'est bientôt l'automne. C'est l'heure, il faut partir avant les premières pluies. Les enfants, Yohann, Gwenaëlle ont rangé les bagages dans le coffre de la voiture.
Nous sommes prêts pour rejoindre Paris. Dans quelques semaines, c'est la rentrée pour toute la famille. Elisabeth fera une nouvelle année en tant que professeur de physique. Gwenaëlle et Yohann rentreront respectivement en Terminal, et 5eme. Quant à moi, je vais continuer à enseigner dans le lycée technique de notre quartier.
Voici une semaine que sommes arrivés chez-nous. Et déjà, tout me manque, ce lac, ces arbres, les montagnes. Difficile de reprendre la routine. Je sais que l'année scolaire passera vite, mais j'aspire à vivre dans un autre cadre. Elisabeth me comprend. Sans elle, je ne sais si je pourrais tenir, continuer à vivre ici.
J'aime me rappeler mes premières rencontres avec Elisabeth.
Je l’ai connue lors de mes études en 1982. Elle était Professeur de Physique, moi je préparais mon Bac. C'est une femme dynamique, aimable et chaleureuse et très sensible. Notre différence d’âge n'a jamais été un obstacle à notre relation.
Lors de mon service militaire, j’avais qu’une envie lors de mes permissions, c’était de la retrouver. Elle habitait Puteaux, moi, Vanves. Qu’avons-nous de commun ? Tout. Tout nous rapproche. Nous aimons la peinture, la mer, les randonnées et bien sur cette matière principale qu’elle enseigne : « la physique ». J'aime son visage, ces yeux bleus, sa voix, sa douceur de vivre, le galbe de son corps, son parfum.Un parfum de muguet, un parfum de printemps.
--------------------------------------------------------------------------------------
C'est la rentrée. J'ai sorti ma vieille sacoche en cuir. Je pense qu'elle pourra tenir encore une année. J'ai retrouvé mes collègues ainsi que notre cher proviseur, Mr M. J'ai fait connaissance de mon emploi du temps. Ce dernier me permet de quitter tôt l'établissement. Les enfants ont également fait leur rentrée. Gwenaëlle veut s'orienter vers des études de géologie. Yohann, lui, est intéressé par la Chimie.
Il fait encore beau en ce mois de septembre. Je vais pouvoir traverser le jardin des Plantes pour me rendre chez moi.
En faisant du rangement dans la bibliothèque de la salle à séjour, j’ai retrouvé un livre qui a occupé mes soirées quand j'avais 17 ans: « Lorelei de M. Genevoix. » La couverture du livre est marquée par des plis. Les pages ont perdu leur couleur initiale. Ce livre, je l'ai lu une dizaine de fois. J'ai aimé chaque mot, chaque phrase. J’aime cette histoire. Je crois qu’à elle seule, elle résume mes rêves d’adolescent, mes envies de voyages, mes premiers amours.
L’auteur, j’ai appris à le connaître à travers la lecture du livre « Foret voisine ». C’était mon professeur de physique de 3eme, Mme Coine, qui m'en avait fait cadeau. Elle savait que je voulais être garde forestier ou travailler dans le milieu de la sylviculture. Ce livre a été le plus beau cadeau de mes années au collège St Exupéry ..... Sans oublier Mme Coine avec ses yeux en forme d'amande. Qu'est-ce que j'ai pu les admirer pendant 4 ans !
J'aime ouvrir de temps en temps mon album de photos et m'attarder sur une photo un peu vieillie qui me tient à cœur. C'est celle de mon frère.
Dans ma petite enfance, mes parents nous emmenaient, moi et mes sœurs rendre visite à un couple de personnes âgées dans la Sarthe. C’est là que j’ai fait connaissance de mon frère, Philippe né en 1955. Nous avions huit ans de différence. Connaissant des problèmes de santé, ma mère l’avait envoyé loin de Vanves ou nous habitions. Philippe n'a jamais grandi avec nous. Il a toujours été de passage. Puis plus tard, Philippe nous a rejoint. Une chambre lui avait été réservée. Il a suivi des études de cuisinier. Il est resté peu d’années avec nous. Suite à une dispute avec mon père, mon frère a pris la porte et est parti je ne sais où. Des années ont passé. Il a fait son service militaire à Metz.. Puis, il est revenu en compagnie de sa fiancée, Françoise, fille d’un banquier de Thionville. Après leur mariage, ils sont partis s’installer à Barcarès. J’ai aimé ce lieu, son atmosphère, les soirs d’été à jouer à la pétanque près de la plage, ce vent chaud qui souffle dans les branches.
Puis, un jour le téléphone a sonné à la maison. Ma mère a décroché. Françoise venait de lui annoncer une mauvaise nouvelle : « Philippe était atteint d’un cancer ». J’ai pleuré de toutes mes larmes. Je suis sorti de chez moi en me disant que cela n’était pas possible. Mon frère s’est battu contre la maladie avec courage. Finalement, il nous a quitté le 4 Avril 1980. Ces souvenirs, je les ai encore en tête. Souvent je me dis que l'on ne dit jamais assez aux personnes qui ont une place dans notre cœur combien on les aime.
Nous envisageons de passer les vacances d'automne à Cognac ou résident un couple d'amis.
La première fois que nous sommes allées voir la famille T., nous avons découvert une petite ville aux maisons blanches salies par les vapeurs d'alcool et traversée par La Charente. Nous n'avons jamais descendu ce fleuve en garbade. Cela doit être agréable. C'est à programmer !
Et au mois de Mai prochain, nous descendrons dans le Sud, à Aix-en-Provence. Nous rendrons visite à la Famille G.
C'est toujours un plaisir d'aller dans le sud. Tout est lumière du côté d'Aix-en-Provence.
Gwenaëlle a grandi et devient une jolie jeune femme. Elle ressemble à sa mère : "Même visage, même regarde, les yeux bleus”. Un double en sorte.
--------------------------------------------------------------------------------------
Des événements nous font parfois repenser à notre enfance. J'ai connu au collège  Saint-Exupéry, une grande jeune fille, Maria Coppola.
Nous avons fait classe ensemble , de la 4eme à la 3eme. Elle n’habitait pas très loin de chez moi, au 12 Rue jean-Jaurès, je crois. Nous rentrions ensemble le soir après la fin des cours. Après le B.E.P.C , je suis parti faire mes études à Levallois. J’ai passé mon BAC. Puis au cours du mois de Juillet 1983, en regardant par la fenêtre de ma chambre, j’ai vu une ambulance se garer sur le parking de la propriété. Deux ambulanciers en sont sortis et Maria prenant appui sur chacun d’eux. Elle était affaiblie, courbée. Le lendemain, j’ai appris qu’elle était décédée d’un cancer. Elle avait tout juste 18 ans.
-------------------------------------------------------------------------------------
Les années ont passé, riches en heureux événements et de tragédies. Elisabeth nous a quitté. Elle a succombé à cancer du sein le 5 Aout 2008. Elle repose dans le cimetière de Sartrouville. La vie a pris une autre direction, a perdu tout son sens. Il faut pourtant continuer à vivre, à se battre pour les enfants, pour elle. Sa maman m'a encouragé dans se sens.
--------------------------------------------------------------------------------------
Le froid est descendu sur Paris. Les vacances de fin d'année approchent. Les enfant ont grandis et sont bien occupés par leurs études. Je vais passer quelques jours dans notre maison, près du lac.
J'ai retrouvé la maison, mais seul, cette fois. J'ai ouvert les volets de la salle à séjour. La lumière du jour a envahi la pièce et fait surgir chaque meuble. Je redécouvre comme à chaque fois le paysage qui s'offre au regard. L’hiver a recouvert les sapins d'un épais manteau de neige. Des oiseaux marchent fébrilement, d'un pas peu assuré sur l'épaisse chape de glace du lac .Je descends vers les berges et m'assoie sur le banc sur lequel Elisabeth et moi aimions nous reposer. Rien ne semble avoir changé ici. Les sapins, le lac, les passants composent ce tableau de fin d'année. Et pourtant, ce dernier n'est pas complet. Il manque mon rayon de soleil, ma raison de vivre. J imagine Elisabeth assise à mes côtés et dans mon rêve, je lui glisse un baiser dans le cou. Elle sourit. Je vois ses yeux bleus briller de bonheur. Des larmes noient mes yeux. Je la revois courir dans un champ de blé parsemé de coquelicots sous le soleil de la Provence. Ce sont tes fleurs préférées. Elles sont éphémères, fragiles comme la vie.
Je pleure de ne plus te voir, t'entendre ta voix. Tu m'as offert les plus beaux jours de ma vie.
Ma dernière pensée sera pour toi. Et à cette phrase que tu m'a dite la première fois au téléphone alors que tu étais en larmes : "j'aime ta voix" . Je me souviens de notre conversation comme du jour d'hier.C’était comme un appel au secours. Je suis venu le lendemain chez toi pour prendre de tes nouvelles. J'ai frappé à ta porte. Tu étais nue. Tu t'es habillée puis tu m'as ouvert la porte et notre histoire commune à commencer en cet instant.
Elisabeth, je t'aime. Et je t'aimerai par delà les frontières et au delà du temps.
A bientôt.
Que Dieu veille sur elle! (Rev 21:1-4)
Je t'aime , je t'aime , je t'aime.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

insert your comment